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Carnets de voyage
16 septembre 2006

Mercredi 24: Visite de Ségou et route vers Mopti.

Le matin, nous commençons à en prendre l'habitude, réveil matinal (6h30!) ce qui nous permet de profiter, pendant quelques petites heures, d'une relative fraîcheur. Au programme de la matinée, visite de Ségou.

Segou_portNous retournons au bord du Niger. Tout est extraordinairement calme. Quiétude et douceur d’une matinée ordinaire d’Afrique où chacun vaque, sans se presser, à ses occupations quotidiennes. Au bord du fleuve, des hommes sont occupés sous le regard attentifs d’enfants, à rafistoler leurs pirogues et leurs filets. Des femmes parées de boubous multicolores, énormes calebasses fermement ancrées sur leur tête et enfants accrochés dans leur dos, descendent  d’un pas nonchalant vers l’eau limoneuse du fleuve afin de faire leur lessive ou nettoyer légumes et poissons. D’autres transvasent d’un ample mouvement d’une calebasse à une autre du grain laissant s’envoler dans la brise le foin. La température est douce. Le ciel, limpide, a une luminosité transparente. L’atmosphère qu’agite une imperceptible brise venue du fleuve, est léger. Des odeurs suaves et musquées parviennent jusqu’à nos narines et les font frémir. Odeurs entêtantes de fumée, odeurs douceâtres du fleuve d’où émanent des effluves de moisissure, odeurs de décomposition qu’exhale le poisson oublié au soleil.

Nous descendons lentement vers le fleuve nous laissant envoûter par cette ambiance surgie d’un autre temps, gouttant par tous les pores de notre peau, cette paix. Sensation de bien-être assez fantastique. Un petit enfant nous accompagne de son babil, s’accrochant à ma main. Ilm est terriblement attachant et me fait fondre de tendresse quand il lève vers moi ses immenses yeux noirs et m’adresse un sourire resplendissant de gentillesse.

Nous sommes loin de l’animation brutale de Bamako et je crois que nous commençons seulement à pénétrer le cœur du Mali.

C’est ici que nous ferons notre premier achat. Dans la chaude obscurité d’une petite boutique poussiéreuse mais emplie de mille trésor, Alexandre découvre un masque solaire qu’il ne peut, bien évidemment, pas laisser. Il est très beau et j’approuve sans réserve son achat réalisé, comme cela est l’usage, après moult tractations.

Mais Christèle revient avec le guide qui doit nous faire découvrir cette ancienne ville coloniale, siège du gouverneur de province qui abrite 600.000 habitants mais qui, malgré tout, donne la sensation de n’être qu’une bourgade. Ségou, ancienne capitale du royaume des Bambaras, est aujourd’hui capitale de province. Ses habitants sont encore tr-s fiers de leur prestigieux passé. Ce côté fier est caractéristique peut-être des maliens si pauvres mais qui cherchent à faire connaître la richesse de leur civilisation qui remonte très loin dans le passé.

SegouNous traversons lentement l’ancien quartier colonial aux très larges avenues bordées de vastes et belles demeures, au style soudan sahélien, blotties sous les frondaisons des arbres. Elles furent construites au début du siècle par les français qui demeurèrent ici jusqu’en 1962. Vestiges décrépits d’une ancienne splendeur qui nous fait prendre toute la mesure de l’écart et de l’incompréhension qui pouvaient exister entre la vie confortable de ces colons et la vie malienne. Comment deux modes de vie, de pensées, si éloignés l’un de l’autre, si opposés dans la préhension du monde, ont-ils pu coexister si longtemps ?

Nous continuons notre promenade et arrivons dans une  filature de tapis, siège d’une petite association. "Petite" à vrai dire n'est pas vraiment le terme qui convient.  En effet, plus de 63 femmes y travaillent en alternance, tissant de merveilleux tapis. La matière première est bien sûr le coton et les couleurs employées sont magnifiques. Rouges et bleus resplendissent au gré des motifs géométriques.

Segou_femmePlus loin nous découvrons une autre production locale que nous dégusterons avec circonspection, la bière de mil. Elle est réalisée par une communauté mi-chrétienne, mi-animiste, les Bobos. On nous explique la réalisation de ce breuvage aux nuances verdâtre qui se déroule devant nous. Sidérés nous observons un moment une femme debout devant une énorme marmite en fonte noire posée sur un feu crépitant en train de touiller d'un mouvement régulier à l'aide d'une  cuillère géante le liquide sombre et bouillonnant qui deviendra après fermentation la bière. Nous dégusterons néanmoins, avec circonspection, cette bière que l'on nous sert dans une calebasse.

Nous nous rendons compte qu'en fait la calebasse est l'instrument culinaire de base et est utilisée dans toutes les occasions. Inutile donc de dire qu'elle a une place de choix sur tous les marchés. On en verra de toutes sortes et de toutes les tailles, certaines si grosses que l'on se demande si, réellement, c'est une véritable écorce naturelle.

Après cet intermède, nous nous dispersons dans le petit marché permanent de Ségou. Coloré, il l'est tout d'abord par les légumes présentés sur les étals de paille: poivrons, curcubitacées de toutes tailles, tomates, manioc, beurre de karité, mais aussi par les boubous bariolés des femmes qui vendent leurs produits où viennent faire leur marché. Des couleurs vives, éclatantes qui ressortent d'autant plus que les vêtements sont amples. Sur la peau bien noire et soigneusement huilée des femmes, ces jeux de couleurs flamboient dans toute leur exubérance.

Les hommes s'occupent, eux, de la viande qui, bien évidemment, est accrochée en plein soleil. Notre envie d'un bon steak saignant est mise à rude épreuve et je crois que nous dérogerions sans peine à toutes nos règles culinaires pour le manger carbonisé. Il faut les voir découper à coups de machettes tranchantes comme des rasoirs de gros morceaux de viande. Le geste est sûr et le bruit est net. Penser que, parfois, ces machettes peuvent devenir des instruments beaucoup moins pacifiques fait froid dans le dos.  Mais le Mali est un état tranquille et l'image s'estompe rapidement. Les étals de marchandises sont si serrés et il y a tellement de monde qu'il est très laborieux de circuler et on ne sait plus quelle direction choisir pour sortir de ce labyrinthe. Ces marchés où se mêlent intimement le bruit, la foule, les odeurs, sont à la fois captivants et angoissants. Nous sommes bousculés par la cohue, enivrés par les odeurs fortes que la chaleur renforce et exacerbe, assourdis par le brouhaha ambiant. Ces marchés qui nous ont permis de nous fondre au sein de la population et d'oublier, un moment, notre statut d'étranger, seront parmi les meilleurs souvenirs de notre voyage.

Après le déjeuner, départ vers Mopti à plus de 300 km. Journée longue et fatigante dans l'inconfort du minibus où règne une chaleur véritablement infernale qui semble pénétrer tous les pores de notre peau  sèche de toute trace de sueur. La seule chose à faire est d'admirer la paysage, un mélange de savane et de champs cultivés, de regarder passer les troupeaux de vaches aux deux bosses dorsales proéminentes et aux cornes affûtées, typiques à cette race du Sahel, les chèvres et les chevreaux qui broutent, en toute liberté, l'herbe sèche et rase des champs qui s'étendent à perte de vue dans un brouillard de chaleur. Point besoin, ici, de berger. Le lieu de rassemblement sera, de toute façon et quoi qu'il arrive, le point d'eau le plus proche. Paysage justement de ces communautés rurales au bord de la grand route de bakélite rouge qui sont, d'un point de vue architectural, fantastiques.

Construit en briques de terre cuite recouvertes d'argile, chaque bâtiment a une fonction bien précise. Rond avec un toit de paille percé d'une étroite cheminée, c'est la cuisine, royaume exclusif des femmes. Sur le coté, les greniers à mil et à sorgho de formes cubiques, toujours recouverts de chaume mais surélevés par des poutres en bois pour éviter le contact avec le sol et protéger les précieux grains de l'invasion des insectes et autres prédateurs friands de ces denrées si précieuses à la survie de la famille. Une grande cour intérieure entourée par un mur rectangulaire encercle les logements. Souvent, tout au long du parcours, nous resterons émerveillés par la beauté de ces villages dont l'aspect pourtant si fonctionnel recèle un charme et une finesse incomparables. En fin de journée, le soleil nous fera don de ses couleurs chatoyantes faisant éclater les rouges, les ocres et nimbant tout le paysage d'une douce luminosité dorée. La mali, pays de sècheresse et de désert, devient ainsi un véritable eldorado.

Lorsque, un peu avant d'arriver à Mopti, nous nous arrêtons pour les formalités de douane d'usage, des dizaines d'enfants nous entourent dans un piaillement chaleureux et exubérant. Même s'ile cherchent toujours à nous vendre quelque chose, des fruits, de l'eau, des babioles, ou nous réclamer un petit cadeau, un stylo, un bidon, l'accueil et la gentillesse sont toujours au rendez-vous. Magie de l'enfant qui nous séduit par la force de son sourire et de son regard si clair.

Lorsque enfin nous arrivons en vue de Mopti, recrus de fatigues et ivres de chaleur, la nuit est toute proche. Nous décidons d'un commun accord de remettre notre visite de la ville au lendemain et nous mettons en quête d'un toit pour la nuit. Ce ne sera pas une mince affaire, Mopti ne possédant qu'un très petit nombre d'hôtel tous complets à cette heure tardive. C'est dans l'obscurité la plus totale, il n'y a en effet pas d'électricité ce soir là, que nous dénicherons finalement, à notre grand soulagement, un petit hôtel à Sévaré, à seulement quelques kilomètres de Mopti. C'st l'hôtel Bozo qui deviendra, en fait, notre point d'ancrage pour le reste de notre séjour. Le repas du soir, ainsi que la douche d'ailleurs, se fera dans la bonne humeur et à la lueur des bougies. Ambiance exotique garantie.

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