Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Carnets de voyage
16 septembre 2006

Jeudi 25: Visite de Mopti et départ dans l'après-midi vers Sangha et le pays Dogon. Halte en cours de route au village de Songo

Mali_Mopti

Mopti, située au confluent du Niger et du Bani, sera pour nous une révélation. Après avoir parcouru des centaines de kilomètres depuis Bamako à travers des paysages de savane arides écrasées par la chaleur, nous découvrons une ville d'eau bâtie sur un éparpillement de petits îlots ou "toguérés", reliés entre eux par des digues. A quelques distance de la ville, l'apparition de marécages, nous faisant penser à la Camargue, transforme complètement le paysage. Déjà les premiers oiseaux, liés à la vie du fleuve, sont présents et lors d'une courte halte pour admirer la pleine marécageuse, on peut facilement imaginer la présence de flamands roses qui, après leur long voyage depuis l'Europe, viennent se poser ici. Au loin, sur la route, se dessine la ligne des premières maisons de Mopti et des grands édifices religieux si caractéristiques du pays. C'est, bien sûr, la grande mosquée de Mopti aux tours en forme de pain de sucre qui domine la ville. La pureté de ses lignes alliée à son extrême sobriété nous laisse perplexes et admiratifs.

Pénétrer et circuler en minibus dans la vielle nécessite une grande habileté mais, malgré l'anarchie de la circulation entre les ânes et leur carriole, les mobylettes qui zigzaguent en tous sens, et les poids lourds qui déboulent à toute vitesse, Mamadou arrive toujours à se frayer un chemin et à se faufiler sans encombre pour nous mener, le cœur battant, à bon port.

MoptiL'intérêt de Mopti, comme nous allons le découvrir, réside dans son marché permanent, riche et abondant, et sa situation stratégique sur le fleuve. D'ailleurs, en langue Bambara, Mopti signifie rassemblement. La ville est un carrefour important du pays, un lieu d'échange et un point de départ des marchandises vers les différentes région du Mali et les autres pays d'Afrique occidentale. Dans un lieu si dense, on ne pouvait que s'adjoindre les conseil d'un guide. Ils seront deux en fait et se nomment Gaoussa et Sidiki. L'un est Dogon, l'autre Bambara. Mais tous deux sont forts sympathiques et parlent parfaitement le français. Les toubabs que nous sommes apprécient. Ainsi, déambulant en leur compagnie dans les ruelles sinueuses de la ville, au travers de nos questions, ils nous apporteront des éclaircissements sur leur vie quotidienne. Nous, nous ne savons rien mais nous ne demandons qu'à apprendre et comprendre. Pour cela, il suffit d'écouter et de regarder. Cette rencontre ne peut qu'engendrer du plaisir et déclencher un émerveillement. Par chance, Gaoussa a de la famille près du pâté de maisons où nous nous trouvons. C'est, pour lui, l'occasion de nous faire plaisir et de nous inviter à monter sur la terrasse de la maison de sa grand-mère. Avant d'y accéder, nous passons par la cour centrale où se trouve réunie une partie de la famille. Une jeune femme est en train de faire griller des cacahouètes bien rondes et l'odeur qui s'en dégage st fort appétissante. A côté d'elle, une autre femme prépare, accroupie auprès d'un petit fourneau, le repas. Elle lave dans une bassine des morceaux de viande certainement achetés, il y a quelques instants, sur le marché tout à côté pour en faire un délicieux plat africain. Enfin, une dame, beaucoup plus âgée et au sourire édenté, répare soigneusement avec du fil une calebasse qui s'est fendue. Nous faisons une petite intrusion dans leur intimité, mais l'accueil est chaleureux et leurs sourires sincères. Du toit, auquel nous avons accédé par une étroite échelle, la vue est magnifique. Christine peut, à son aise, savourer du haut de ce promontoire, les petits détails d'une journée chaude et de Mopti. Là, dans une petite cour inondée de soleil, une famille qui vaque nonchalamment aux taches domestiques. Plus loin déambulant d'un pas gracieux dans une ruelle une femme revêtue d'un boubou aux couleurs éclatantes un seau débordant de denrées solidement ancré sur sa tête. Encore plus loin, aux limites de la ville, un nuage de poussière soulevé par un troupeau de buffles. Spectacle anodin du quotidien mais, pour la photographe qu'elle essaie d'être, cet ordinaire se transforme et devient un réel trésor. Les clichés qu'elle rapportera seront formidable de vérité. Ce qui confirme, avec une force supplémentaire, que là où nous nous sentons bien, c'est au milieu des hommes et des femmes, dans la simplicité de leur vie.

Mopti_gaoussa_et_SidikiGaousa et Sidiki nous emmènent ensuite vers le marché, lieu magique aux senteurs odorantes et aux couleurs chatoyantes, et nous font faire le tour de toutes les corporation de marchands. La foule se presse autour de nous en une masse compacte et bruyante. Nous sommes bousculés de toutes parts et nous nous frayons difficilement un chemin. Si les enfants sont, en règle générale, vêtus de loques, il n'en est pas de même pour les femmes qui portent leur plus beaux boubous. Sidiki nous apprend que pour porter ce genre de vêtements, très chers, il faut impérativement un époux qui, seul, subvient aux besoins de la famille et pour qui parer son épouse ou, plutôt, ses épouses est un signe de réussite sociale. Les coutumes sont toujours bien présentes.

Comme nos guides nous savent intéressés pour ramener des souvenirs, la visite se poursuit par une échoppe d'artisan.

Sur trois mètres sur six sont entassés, le mot n'est pas faible, des centaines d'objets à même le sol ou accrochés aux murs. On hésite, car dans cet amas d'objets, nous n'arrivons pas à fixer notre attention sur telle statue ou masque. Trop de choses étonnantes, trop de plaisir dans les yeux. Nous sommes un peu abasourdis mais nous emmèneront quand même avec nous une paire de statuettes, un couple bambara, qu'il ne faut surtout pas, nous affirme avec le plus grand sérieux le marchand, séparer. Nous aurons quand nous les regarderons au calme une grande fierté de les avoir trouvées.

Mais il est déjà midi et nous devons rejoindre le groupe au bas Bozo pour le déjeuner. Nous nous frayons un passage au milieu de la foule dense dans la fournaise de ce milieu de journée qui exacerbe les odeurs qui deviennent très fortes et incommodantes pour notre fragile odorat. Les bonjours et les sourires ne sont pas rares. Un passant m'arrête même au passage pour me faire un brin de causette. C'est un vieux monsieur vêtu d'une ample djellaba bleue et coiffé d'un fez. Il me demande, le plus naturellement du monde quel est mon nom, d'où je viens et m'indique, lorsque je lui dis que j'arrive de Marseille, qu'un de ses amis y travaillait tout près, à Martigues, mais qu'il est maintenant de retour au Mali. Après ce bref échange, ravis tous deux de notre rencontre, nous nous séparons avec un sourire non sans avoir échangé une amicale poignée de mains tout en nous souhaitant, réciproquement, une bonne journée. Nous sommes ici à des années-lumière de la foule anonyme qui arpente nos villes se traçant un passage, téléphone collé à l'oreille, aveugle et sourde à ce qui l'entoure.

mopti_portLe bar Bozo est admirablement situé au bord de Bani à proximité immédiate du port. C'est dire sa position privilégiée. Pour y arriver nous devons traverser de part en part le port où règne une animation extraordinaire. Des centaines de pirogues sont amarrées là, attendant d'être chargées des marchandises amoncelées en d'énormes tas sur les berges qui descendent en pente douce vers l'eau. D'autres, au contraire, sont en cours de déchargement. Poissons séchés à l'aspect et à l'odeur franchement rebutants mais ingrédient indispensable des sauces maliennes, tissus de toutes les couleurs, légumes, épices odorantes, énormes plaques de sel aux reflets mordorés, ballots de coton solidement liés avec de la corde, troupeaux de chèvres menés par de fiers touaregs facilement reconnaissable dans la foule à leur allure altière et artistiquement coiffés d'une chèche qui entoure en pli savants leur visage ne laissant voir que leurs yeux indéchiffrables. Mille et une choses se mélangent en un indescriptible chaos. On se demande vraiment comment, dans un tel capharnaüm, chacun arrive à retrouver quoi que ce soit. Des odeurs étranges et inconnues nous assaillent de toutes parts et nous étourdissent. Alexandre marche devant moi, bombardant Sidiki d'un flot d'interrogations, avide d'emmagasiner toutes ces images qui se chevauchent et se combinent en une inexplicable et singulière harmonie.

Le déjeuner de midi, composé de capitaine et de poulet accompagnés de frites est copieusement arrosé de bière. Une façon pour nous d'essayer d'enrayer un tant soit la peu la chaleur qui assèche notre bouche. L'ambiance entre nous est vive, car cela fait trois jours que nous sommes en terre d'Afrique et l'excitation gagne peu à peu chacun de nous. Nous sommes installés sur la terrasse ombragée du bar Bozo dont la situation dominante nous permet de jouir d'une vue magnifique sur le port et le fleuve qui s'étire en un long et large ruban argenté. C'est bientôt la fin du repas et nous nous regardons Christine et moi en pensant à Gaoussa.

Tout à l'heure, il nous a convaincu d'acheter, pour nous, des noix de kola, indispensables si on veut traverser en toute civilité les villages dogons. Nous constaterons plus tard qu'il avait raison. Nous lui avons donc confié la charge de cet achat et lui avons donné la somme de 5.000Francs CFA soit l'équivalent de 50 francs environ. Il saura, nous a-t-il dit, mieux que nous marchander et obtenir le meilleur prix pour cette denrée précieuse. Mais deux heures sont déjà passées et toujours pas de Gaoussa en vue. Aurions-nous perdu nos 5.000 Francs CFA? Nous le pensons d'autant plus qu'au cours du repas nous apprenons qu'une famille malienne peut vivre un mois avec cette somme! En fait, nous réagissons en occidentaux nantis et nous serons peu fiers de nos pensées mesquines en le voyant arriver quelques minutes après avec, dans la main droite, le paquet de noix de kola et, dans la main gauche, la monnaie restante. Oui, très peu fiers et, ce jour-là, un malien répondant au nom de Gaoussa nous a donné une grande leçon d'humilité. Elle nous marquera.

Après le déjeuner, nous remontons, résignés, dans notre minibus. Direction Sangha et le pays dogon.

C'est le milieu de l'après midi, c'est dire la chaleur étouffante qui sévit dans toute sa force à cette heure de la journée. Peu après Sévaré, la route goudronnée fait place à la piste qui, au fil des kilomètres, devient de plus en plus défoncée et chaotique. Les nids de poules se succèdent, si bien que nous sommes obligés de stopper pour permettre à Jean-Paul, qui s'était installé à l'arrière, de changer de place sous peine de finir assommé, sa tête, du fait de sa haute taille, entrant sans cesse en contact douloureux avec le toit du minibus.

Un paysage désertique nous entoure; jaunes et ocres prédominent. Il ne manque plus, dans le décor, que quelques lions... nous aurons, en fin de compte, des chameaux ou, plutôt, des dromadaires devant lesquels nous nous arrêterons hurlant de joie et de ravissement comme des enfants.

Pas une goutte d'humidité dans ce paysage désolé à l'austère et sauvage beauté.

Soudain Mamadou bifurque sue une piste encore plus étroite. Nous avons vraiment le sentiment que nous allons aller ainsi au bout de nulle part. la véritable aventure commence....

songoNotre destination ne se trouve qu'à quelques kilomètres à vol d'oiseaux mais on se dit qu'un véritable 4X4 aurait été une véritable aubaine pour nos reins fourbus. Mais enfin, le village de Songo vers où nous nous dirigeons est, d'après nos renseignements, une merveille d'architecture dogon... un chaleureux accueil nous attend dans ce village accroché à flanc de falaises complètement isolé du reste du monde. Pour bien apprécier sa structure, il faut marcher et remonter la falaise jusqu'aux premières maisons. Ce sera notre première ascension initiatique avant le pays dogon.

L'atmosphère est emplie d'une douce quiétude et dégage une sensation de paix et de beauté rare. Nous avançons lentement le longs d'étroites ruelles sinueuses, osant au passage un regard curieux dans les cases et les cours. Le silence nous entoure seulement troués par le babil des enfants qui nous suivent. Tout semble à sa place, soigneusement agencé, aucun faux accord ne vient perturber cette harmonie. Assez incroyable de sentir se dégager de ces lignes pures et simples, faites avec les matériaux les plus primitifs, pierre et terre, une telle puissance. Tout au sommet du village, après avoir parcouru une véritable labyrinthe à travers d'étroites ruelles, la vue est extraordinaire. Le village est en véritable symbiose avec le paysage qui l'entoure. Nous pouvons admirer l'agencement des petites cases qui ont, chacune, une fonction précisément définie mais aussi une place clairement déterminée.

Songo_1En continuant plus haut, nous allons effleurer les sortilèges nés des vieilles croyance ancestrales. A flanc de falaise, se trouve une grotte dont les parois sont recouvertes de peintures rupestres rouge soulignées d'un épais trait blanc et noir. Figures géométriques, signes cabalistiques, animaux dont, omniprésent, le crocodile, emblème totémique du village, sont représentés. Nous sommes dans un lieu sacré où sont exécutées, tous les trois ans, la circoncision des garçons. Cette pratique rituelle qui détermine la fin de l'enfance et l'entrée dans un nouveau cycle de vie, est un moment particulièrement important et fondamental dans la vie de ces hommes et la grotte, avec son pouvoir magique, va protéger ce rite. Nous nous dirigeons ensuite vers la caverne où sont gardés les instruments de musique de cérémonie comme les sistres de circoncis dont on ne peut jouer que les jours dévolus à la cérémonie.

Nous repartirons de Songo, non sans nous être au préalable reposés et désaltérés sous l'ombre tutélaire d'un énorme baobab, sous le tintamarre joyeux des enfants curieux et rieurs et avec le sentiment d'avoir pénétré un monde très singulier. Nos trois jours à venir sont donc emplis de promesses.

En fin d'après-midi, nous atteignons enfin, saoulés de fatigue et les reins en charpie, Sangha. La nuit tombe rapidement. Notre étape, pour ce soir, aura lieu à la maison Monobeme de la femme dogon., lieu qui tient davantage du caravansérail que de l'hôtel. L'ambiance est décontractée et dépaysante. Il est extraordinaire de constater que chaque jour que nous passons dans ce pays, recèle de nouvelles découvertes, de nouvelles sensations encore jamais éprouvées. Dans une large cour fermée par un portail où les gens du village vaquent à leurs occupations, des femmes entourées de leur progéniture font, en bavardant gaiement entre elles, leur lessive.

Nous en profiterons pour leur donner à laver quelques T-shirts et shorts que nous récupérerons le lendemain matin. Tout un monde qui va et vient nonchalamment. Hommes et femmes, d’ici ou, comme nous, d’ailleurs confondus, pour un soir, en une seule et étroite communauté. Nous prendrons notre repas du soir, spaghettis bolognaise et ragoût de mouton au menu arrosés, bien sûr de très nombreuses bières, sur la terrasse du bâtiment principal. Les chambres, au premier étage d'une petite bâtisse sont, telles des cellules monastiques, peintes en blanc, un sommier simplement jeté à même le sol en guise de lit. Afin de bénéficier d’un peu de fraîcheur, nous dormirons la porte grande ouverte sur la terrasse où se sont installés, enveloppés dans leur duvet, d’autres voyageurs. Nous nous endormirons bercés par le battement des tambours dogon et les chants des guides qui, profitant de la fraîcheur de la nuit, font la fête.

Dans la nuit, alors que tout le monde dormira, je sortirai sur la terrasse afin de savourer, en grillant une cigarette, le silence rompu seulement par le bruissement léger des dormeurs autour de moi, et surtout, admirer le magnifique ciel étoilé d'une splendeur étincelante. La savane est baignée d’une clarté bleutée donnant au paysage un aspect irréel et mystérieux. Spectacle magique dont je me demande si on peut, un jour, se lasser.

Publicité
Publicité
Commentaires
Carnets de voyage
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité