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Carnets de voyage
16 septembre 2006

Samedi 7 : Main de Fatma. Départ de Hombori. Visite du musée dogon. Voiture ensablée. Retour à Mopti.

Le réveil se fera, inutile de le préciser, encore une fois très tôt et le jour se lève à peine lorsque nous commençons nos préparatifs qui seront, comme à l’accoutumée, très rapide. Christine, comme prévu, a décidé de ne pas venir et est bien déterminée à profiter au maximum de cette grasse matinée inopinée et bienvenue. Quand nous partons, je vais la voir. Elle a bien dormi et va beaucoup mieux.

Voilà le groupe des joyeux dogons, accompagnés de leur guide, partis faire de l’escalade.

Le but est d’accéder à un col pour passer de l’autre côté de la montagne et redescendre par l’autre versant. Il n’y a pas de piste et la montée est très pentue. D’ailleurs, Chuck qui craint le vertige, préférera renoncer. Si certains, comme Eric, se régale, il sera d’ailleurs toujours en tête, l’ascension sera très rude. Mais nos efforts seront récompensés. La vue, là-haut, est splendide. La plaine s’étend à perte de vue seulement interrompue par des mesas. Le paysage fait penser à celui que nous avons traversé en Californie et au Colorado. Dans le ciel, autour du sommet, des centaines d’oiseaux. Surtout des busards qui s’amusent à virevolter, portés par le vent et les courants d’air qui remontent le long des parois vertigineuses. Les murailles de roche, réputées dans le monde des alpinistes, sont impressionnantes de verticalité .

La descente se fera au milieu de la pierraille. Non, vraiment, Christine n’aurait pas apprécié. On va la récupérer à Hombori où elle a passé la matinée.

Je garde de cette matinée passée seule, un souvenir délicieux. Loin du groupe, les gens du campement semblent avoir oublié ma présence ou du moins, ne paraissent plus me considérer comme une étrangère. Je suis assise à l’ombre. Chacun vaque, dans le calme, à ses occupations quotidiennes. Je les regarde. De temps en temps, une des femmes vient s’asseoir à côté de moi et nous bavardons tranquillement, telles de vieilles amies, de choses et d’autres. Bien sûr, Zidane est là et me suit où que j’aille. Les heures passent ainsi paisiblement jusqu’au retour du groupe en fin de matinée.

enfantsNous repartons ensemble vers une nouvelle découverte à quelques kilomètres au nord de Hombori. Derrière une petite oasis avec palmeraie s’élève une grande dune de sable. Quand j’emploie cet adjectif, il n’est pas exagéré, car, ayant décidé d’aller jusqu'à sa crête pour voir « de l’autre côté », l’ascension commence dans le sable, pas facile du tout, avec une pente qui s’accentue de plus en plus, ce qui a pour effet de rendre la marche encore plus difficile. Nos pieds s’enfoncent profondément dans le sable fin. Nous pensons enfin être arrivés au sommet. Mais non, la crête recule toujours un peu plus loin. Cela devient vraiment énervant et, surtout, franchement épuisant. Certaines s’arrêtent en cours de route et, assises, dans le sable doré d’une finesse extraordinaire, admirent le paysage qui s’étend à leurs pieds. Immense et vaste plaine aride et rocheuse dont les confins s’évanouissent dans la brume que dégage la chaleur et se fondent dans le ciel d’une luminosité aveuglante. D’autres s’entêtent et continuent plus loin. Mais « de l’autre côté », il n’y a rien si ce n’est la savane toujours plus désertique qui s’étend à perte de vue. Plus loin encore le désert. Cette grande avancée de sable est hallucinante, surtout quand on sait qu’elle ne cesse de progresser, grignotant sans répit sur les terres cultivées au détriment des populations qui vivent là. Dans un petit étui à pellicule, Alexandre, ainsi que nous le faisons habituellement, récolte quelques grains de ce sable rosé. Symbolisme de l’objet, si ordinaire soit-il. Magie de son pouvoir qui nous invite et nous plongera, plus tard, dans le rêve et l’évasion.

Avant de repartir, nombre d’enfants que nous avons rencontrés la veille, sont présents. Les petits papiers, avec leurs adresses soigneusement écrites, circulent. Omar, notre guide, est présent. Il nous conseille d’envoyer des craies, des crayons, des cahiers, des stylos pour l’école qui en manque. Il nous confie également un petit paquet avec une adresse très succincte. Pas de nom de ville, mais il y a le mot Corbusier inscrit, ce qui nous laisse à penser qu’il s’agit de Marseille. Nous nous débrouillerons de toute façon pour trouver et acheminer le paquet vers son destinataire.

Chaque fois que nous quittons un lieu où nous avons séjourné, les départs sont toujours très émouvants et emplis de regrets. Nous reprenons enfin la route vers Mopti mais nous allons faire un détour. Christèle nous signale la présence d’un musée dogon dans un petit village situé à seulement quelques kilomètres de la route principale. Quand on parle de musée et qu’on y associe le mot dogon, c’est l’unanimité générale. Nous bifurquons donc sur une piste moitié terre, moitié sable, zigzaguant à travers les arbres et les rochers. Au passage, nous croisons quelques touaregs fièrement juchés sur leur dromadaire. C’est, à vrai dire, nous nous en rendons vite compte, le moyen le plus approprié pour avancer. Le minibus, même avec la dextérité de Mamadou, n’est vraiment pas dans son élément.

Le village est enfin là. Complètement perdu et isolé de tout. Personne dans les ruelles qui sont étrangement calmes. Il faut dire que la chaleur est particulièrement torride. Pas un souffle d’air ne vient tempérer cette atmosphère brûlante et suffocante de sécheresse. Le musée est, bien sûr, fermé. Les visiteurs doivent être extrêmement rares. En attendant le gardien, nous faisons halte à l’ombre des paillasses qui nous procurent une illusoire fraîcheur dans la fournaise ambiante. Mais au moins, nous évitons la brûlure du soleil et sa clarté aveuglante. Alexandre en profite pour grimper une échelle dogon posée contre la maison et faire le curieux. Du toit, vision des femmes qui pilent le mil dans un mouvement ample et régulier.

Les trois pièces qui constituent le musée sont absolument « incroyables». Peu d’objets mais tous d’une grande qualité, d’une grande beauté. Ils sont soigneusement disposés avec, sous chacun d’eux, une petite notice explicative. Statuettes, masques, figurines, bijoux mais aussi des objets usuels, calebasses, tissus captivent nos regards. Nous apprenons que le cheval, encore présent il n’y a qu’une quinzaine d'années, a complètement disparu de la région à la suite d’une période de grande sécheresse. Il a depuis été remplacé par le chameau, plus résistant.

Il est heureux que la visite de ce lieu ait été faite vers la fin de notre séjour. Nous avons, en effet, devant nos yeux, bien rassemblés, tout ce que nous avons croisé et découvert au fil des jours. Rien de tel pour nous donner une grande bouffée d’oxygène assez importante pour nous enivrer, une nouvelle fois, de cet art dogon, de cette manière de vivre, même si, bien sûr, quantité d’éléments nous sont encore inconnus. Un peu plus haut, j’ai parlé de trois pièces. En fait, il y en a une quatrième. Il s’agit d’une petite salle de classe, avec bancs et bureaux en bois tels qu’on les voyait dans les écoles d’antan, où sont entreposés des ouvrages en français, en anglais, sur l’histoire de la région, sur les différentes formes d’art. Des ouvrages très spécifiques et, certainement, difficiles à se procurer. Cela ne fait rien. Nous prenons les références parce que nous voulons emporter le plus d’informations possible, orales, visuelles et écrites. Mais la fonction première de cette pièce est d’être une salle de classe. Un beau tableau noir avec les lettres de l’alphabet écrites dessus en belle lettre cursive, orne un mur. Quelle belle idée de situer la diffusion de l’éducation dans une salle qui jouxte tant d’oeuvres d’art traditionnel représentant la mémoire de tout un peuple.

ensableNous repartirons emplis de quelque chose de nouveau pour affronter de nouveau la piste et la chaleur. Le retour pour rejoindre la route ne sera pas aussi facile qu’à l’aller. Le chemin est très ensablé et, au moment de traverser une petite cuvette, ce que nous redoutions depuis le départ arrive. Notre véhicule est stoppé net, les roues avant profondément enfoncées dans le sable. Malgré tous nos efforts, impossible de faire ne serait-ce que quelques mètres. Nous voilà bloqués. Par bonheur, même dans la savane la plus aride et la plus déserte, il y a toujours quelqu’un. Cette fois, ce ne sont pas des enfants qui débouchent de nulle part mais un vieux paysan sur une charrette tirée par un âne et chargée de branchage. Sans hésiter, il nous fera don de sa cargaison qui nous servira, non sans mal, à nous dégager. Ouf ! Nous pourrons, ce soir, coucher à Mopti à l’hôtel Bozo dont nous sommes devenus de fidèles clients.

Pour cette dernière soirée, passée à Mopti, nous avons décidé d’aller dîner dans un restaurant un peu particulier. C’est Christèle, très sensible à l’aspect humain, qui a organisé cette rencontre lors de notre précédent passage dans la ville. Le lieu est tenu par une française qui a décidé, après quelques années passées à travailler au sein des grandes organisations humanitaires internationales, de rester au Mali à titre personnel. Un petit bout de femme à l’aspect frêle mais dotée d’une énergie et d’une volonté incroyables qui lui permettent de supporter sans se plaindre les conditions de vie très dures auxquelles elle est quotidiennement confrontée. Elle recueille là, des femmes sans ressource, le plus souvent répudiées avec leurs enfants par leur mari ou encore des jeunes filles qui se sont retrouvé enceintes sans être mariées. Elle leur offre le gîte et le couvert en échange d’un emploi. La société malienne est ainsi faite qu’une femme sans mari connaît les plus grandes difficultés pour subvenir à ses besoins. Pas d’emploi donc pas de revenus. Le problème est de les réinsérer dans le circuit économique sans tomber dans la prostitution qui est souvent leur seul moyen de survie. Cette française, à sa petite échelle, essaye de trouver une solution à cette situation en permettant à ces femmes d’apprendre un métier. Le problème est de trouver les subventions indispensables pour mener à bien son projet. Elle nous raconte avec humour et une bonne humeur communicative, les difficultés rencontrées auprès des organisations officielles pour récupérer les quelques subsides qui lui sont nécessaires pour mener à bien son projet. Tout en l’écoutant parler de la vie au jour le jour à Mopti, des petits et des graves problèmes qu’elle doit quotidiennement résoudre, des maladies qu’elle a endurées, nous sommes tous, à la fois attentifs et déconcertés car, malgré tout cela, elle est toutefois d’un optimisme et d’un entrain étonnant qui suscite l’admiration et le respect.

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