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Carnets de voyage
16 septembre 2006

Lundi 1° Mars : Départ pour Djenné. Marché le matin et visite de Senoussa l’après-midi. Nuit à Djenné.

Nous repartons vers Mopti que nous atteignons en fin d’après-midi et où nous passerons la nuit. Retour vers la civilisation. Lundi matin, lever aux aurores mais nous en avons maintenant l’habitude. Le soleil se lève à peine lorsque nous montons dans le minibus pour nous rendre à Djenné, la ville aux murs de banco, considérée comme étant la plus belle du Mali, qui fut, à l’origine, un village de pêcheurs bozos mais qui, aujourd’hui, est un centre religieux et une cité commerciale prospère.

 Djenne_2Le trajet est relativement court. Le paysage ici est plus verdoyant et, par bien des aspects, nous rappelle certains panoramas de Camargue. D’ailleurs, pour atteindre Djenné, nous descendons du minibus pour emprunter un bac, seul moyen d’accès à cette ville enserrée telle une île entre les bras de rivières issues du Bani, un affluent du Niger. Premier arrêt pour déposer nos bagages, au campement hôtel de la ville. A vrai dire, il n’y a guère de choix. C’est apparemment le seul. L’ensemble est correct, coquet même et, bien sûr, calme. Les cases de pierres où nous dormirons ce soir, sont circulaires, vastes. Seul un lit trônant au milieu de la pièce les meuble, un fil tendu nous servira de penderie. Rudimentaire mais efficace. C’est aujourd’hui jour de marché à Djenné . C’est dire l’animation qui règne dans la ville. Notre première étape est bien sûr pour la mosquée dont la photo a déclenché l’envie de ce voyage. Cheminant dans les ruelles poussiéreuses, nous savons que quelque chose de merveilleux nous attend. En effet, sur la grande place, majestueuse dans sa simplicité, bâtie en banco, elle dégage avec ses minarets coiffés d’œufs d’autruche, une pureté de lignes, d’arrondis exceptionnels. Elle donne à la fois une sensation de puissance et de douceur. Malgré les traverses de bois qui hérissent l’édifice et qui permettent sa restauration après la saison des pluies, dévastatrices pour cette fragile structure de pierre, une impression de nudité et de limpidité qui nous émerveille et nous émeut au plus profond de notre être. Bien que de création récente, l’ancien sanctuaire construit au XIII° siècle ayant été détruit en 1830, elle surgit, immuable et éternelle, de la nuit des temps. La main de l’homme est formidablement créatrice. Nous avons devant nous une de ses réalisations.


Djenne_7
 

Cette immobilité statuaire contraste énormément, et c’est ce qui fait le charme de Djenné , avec la multitude et la diversité du marché installé juste à côté. C’est vraiment l’ambiance africaine où des centaines de personnes déambulent, marchandent , achètent, regardent. Les couleurs éclatantes, les étals à même le sol, les boubous multicolores des femmes soigneusement maquillées et parées d’énorme boucle d’oreille en or étincelant dans le soleil, les gesticulations qui accompagnent les tractations, les allers et venues des hommes peuls coiffés de leur immense liptako, chapeau en vannerie, et vêtus de boubous de laine en forme de houppelande d’une belle couleur orange marron, les têtes chargées de marchandises et, toujours, ce mouvement et cette circulation qui se fait au milieu des ânes et des carrioles dégagent une euphorie communicative. Pour nous, c’est un véritable enchevêtrement, pour eux un lieu de rencontre et d’approvisionnement. Ils viennent souvent de très loin et repartent chargés de denrées juste avant la nuit. Cette vitalité, cette exubérance nous étonne, nous surprend, nous ravit. Ce n’est qu’un marché mais apparemment, aujourd’hui, ce lundi à Djenné, il est pour nous unique au monde. Ce sera une véritable consécration quand nous grimperons sur une terrasse qui surplombe ce bouillonnement humain. Christine en profite pour saisir sur ses clichés ces instants de vie et de bonheur. On pourrait rester ainsi longtemps à contempler ce spectacle à chaque instant renouvelé. Nous continuons à parcourir les ruelles avoisinantes et nous tombons sur un étal tout à fait particulier d’un habitant moitié marchand, moitié sorcier. Il a dans ses coffrets quelques serpents qu’il nous présente fièrement et nous propose ses gris-gris, ses médicaments traditionnels, ses animaux empaillés. Fort est le pouvoir de l’homme sorcier. On le craint, on le respecte et pas question, bien sûr, de le photographier. Paule qui, chaque jour, absorbe trois pellicules, est, pour une fois, un peu hésitante et perplexe et, quand finalement elle se décide à passer à l’action, elle se fera vertement admonester par le marchand. En fait, il ne faut pas jouer au touriste trop curieux et peu respectueux des traditions, avide de ramener, tel un trophée, l’image pittoresque d’un sorcier. Même s’il est vrai qu’à Lyon ceux-ci ne courent pas les rues.

Si la matinée nous a fait prendre un bain de foule (ici être agoraphobe relève du suicide), l’après-midi qui sera consacré à la découverte des villages de peuls sédentaires aux innombrables mosquées des environs, sera également riche en contacts humains. Nous reprenons notre inévitable minibus et nous voilà partis sur les pistes poussiéreuses. Imaginer qu’une grande partie de l’année avant que le soleil n’ait fait s’évaporer l’eau de ce delta, ces pistes sont complètement inondées et que c’est en barque que nous aurions du entreprendre notre périple, est extrêmement difficile et c’est pourtant la réalité. Aujourd'hui, la plaine qui s’étend devant nos yeux est désolée et aride, la terre craquelée ne laissant pousser qu'une maigre végétation. Après la saison des pluies, le paysage, nous dit notre guide, change du tout au tout et se couvre d’une végétation verdoyante. C’est un autre voyage qu’il faudrait faire alors qui nous permettrait de découvrir un tout autre pays.

travers_e_pirogueAprès avoir traversé et visité quelques petits villages construits à l’instar de Djenné en banco, petites briques d’argile et de paille façonnées à la main et séchées au soleil, qui recèlent tous des merveilles architecturales, nous arrivons en vue de Senoussa et sommes obligés de quitter notre véhicule. Senoussa est, en effet, situé de l’autre côté d’un petit cours d’eau et le seul moyen pour y accéder est la barque. L’embarcation est rudimentaire et vraiment pas stable. Il suffit de quelques mouvements de gauche à droite, pour faire hurler Nadine et éclater de rires le reste de la troupe. Toute baroudeuse qu’elle puisse être, chacun à ses petites craintes. Il n’est point nécessaire toutefois de nous faire remarquer. De l’autre côté de la rive, tout un comité d’accueil nous attend déjà. Les enfants, bien sûr, ne sont-ils pas les meilleurs hôtes ? Heureusement que nos mains sont libres, car elles sont immédiatement et chaleureusement prises par les bambins. Prendre la main ou plutôt le pouce d’un toubab et ne plus le lâcher jusqu'à son départ est une chose dont ils sont très fiers et très heureux. En plus, ils ne manquent pas de conversation.

Le village, en terre bien sûr, est de toute beauté en particulier la mosquée aux petites tours coniques, lisses et nues. Christine fera quelques-unes de ses plus belles photos en s’attardant sur cette architecture avec toujours et, c’est inévitable, en premier plan, la population. La présence de l’Islam, on le découvre peu à peu, est très importante. Il n’est pas rare de trouver deux voire trois mosquées dans de tout petit village tel celui-ci. De même, les écoles coraniques que l’on rencontre en déambulant dans les étroites ruelles font partie de la vie sociale. La présence du marabout qui prend en charge les enfants et enseigne les lois de l’Islam, est omniprésente. Nous voyons les enfants accroupis autour de lui, devant sa demeure, écrire avec un charbon sur leur tablette en bois arrondie au sommet des versets du Coran. La prise en charge des enfants par le marabout est bien réelle et sujette à controverse. On nous dira que certains parents, particulièrement démunis, confient leurs enfants au marabout qui, parfois, abuse de la situation les obligeant à mendier pour assurer leur subsistance et, quelquefois, allant jusqu'à les maltraiter s’ils ne rapportent pas assez. Réalité du Mali qui nous interpelle et ne peut nous laisser indifférents. Nous nous demandons si dans certains de ces villages très retirés l’enseignement religieux ne prend pas le relais de l’enseignement général. Si celui-ci est présent au Mali, nous avons, en effet, pénétré dans ces écoles et entendu les enfants répéter en choeur les leçons de grammaire française, les classes sont surchargées et disposent de très peu de moyens. Difficile d’assurer dans ces conditions l’enseignement de qualité absolument indispensable. Nos quelques jours de pérégrination à travers ce pays nous ont fait nous interroger sur la réalité et la nécessité de l’éducation.

Toujours encadrés par les enfants, on pourrait presque dire au moins autant d’enfants à chaque main que de doigts, nous repartons. Quand nous reprenons notre barque pour rejoindre Mamadou, la moitié du village est désertée, car tout le monde est là sur le rivage pour nous saluer et nous dire au revoir. Magnifique.

Djenné sera un moment fort de notre voyage de même que Mopti que nous devons regagner demain en fin de matinée. Demain matin, nous devons embarquer à bord d’une pinasse et descendre pendant deux jours le Niger. Nous avons, en effet, décidé d’un commun accord de ne pas aller jusqu'à Tombouctou, ville mythique, certes chargée d’un grand passé, mais située très au Nord à environ 500 km. Cela représente au minimum dix heures de minibus par des pistes chaotiques, avec la chaleur, l’inconfort que nous commençons à bien connaître, les haltes nécessaires pour se dégourdir les jambes, les arrêts forcés aux douanes qui jalonnent les routes, le tout au milieu d’un paysage, d’après Christelle, sans grand intérêt, aride et sec. Il faut dire que plus on remonte vers le Nord, plus le Sahel se fait présent.

Donc une journée pour y accéder, un autre pour en revenir, ces arguments font tomber toutes nos résistances. Mieux vaut finalement se laisser glisser le long du fleuve. Un peu d’inactivité nous permettra de plus de découvrir et de savourer à notre aise ce qu’il y a autour de nous.

Djenne_3

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